3 questions à Ghislain Morillion, Co-fondateur de la marque Veja

14 ans après son lancement, la marque de baskets engagée, Veja, continue à s’exporter, faisant de plus en plus d’adeptes dans le monde. Son créneau ? Conjuguer écologie, éthique et design sur toutes les étapes de production. Rencontre avec l’un des co-fondateurs de la marque.

Quelle est la genèse de la marque Veja ?

A la fin de nos études d’économie, nous avons décidé, avec Sébastien, de tourner le dos au monde de la finance dans lequel nous ne nous reconnaissions pas. Nous sommes partis pendant un an aller auditer des firmes internationales sur leur politique RSE à travers le monde et avons été très déçus du fossé entre les paroles et les réelles actions sur le terrain.

Nous nous sommes retrouvés en plein milieu du Brésil, dans des associations de petits producteurs de coton agro-écologique. Nous avons voulu repenser de A à Z la production d’un produit de grande consommation : les baskets. L’idée était simple et n’appelait pas de concession : intégrer l’écologie, le développement social et la justice économique au cœur même du produit, de la production à la conception jusqu’à la vente. Réinventer les produits d’aujourd’hui, dans le design mais aussi dans la façon de faire, est devenue notre préoccupation centrale.

Mais comment parvenez-vous à concilier design et écologie ?

Nous avons développé une grande expertise sur le terrain grâce à des rencontres passionnantes mais aussi en étudiant les rapports entre les ONG et les grandes entreprises françaises. Il a alors fallu remonter les chaines de production et redescendre chaque étape en y ajoutant une plus-value environnementale et sociale. Concrètement, nous cherchions à minimiser le rôle des intermédiaires et à travailler en direct avec les producteurs pour pouvoir leur offrir un prix plus élevé avec lequel ils pourraient vivre dignement et améliorer leur exploitation. Nous avons, depuis les débuts de VEJA, tissé des liens avec les agriculteurs, les producteurs et les salariés de notre usine au Brésil. Nous avons un lien permanent avec ces derniers ainsi que des salariés présents chaque jour au Brésil pour contrôler tous les aspects de la production. Amener l’écologie et la transparence au cœur du projet VEJA, c’est avant tout innover dans les matières premières, proposer des alternatives qui jouent aussi leur rôle pour le design. Nous avons un studio à Paris, où est dessiné chacun des modèles VEJA. Puis, des prototypes sont confectionnés au Brésil et rapatriés au siège pour des contrôles de qualité, de design et de matières. C’est un lien permanent entre la France et le Brésil.

Est-ce que cette démarche nuit à votre compétitivité ?

Tout ce que nous faisons demande un calcul précis afin d’évaluer l’impact du prix final pour le consommateur et en respectant les salaires des producteurs. La basket est un produit qui concentre énormément de coûts marketing/communication. En général, 30% du budget est attribué aux matières premières et à la production du produit contre 70% aux étincelles, à la publicité et au marketing. Nous avons donc décidé depuis nos débuts de réduire ces coûts en ne faisant aucune publicité ni achat d’espace. Grâce à cela, la production de nos baskets VEJA est cinq à six fois plus élevée que pour le reste du marché mais nous parvenons à les vendre à un prix raisonnable, en équilibre avec le marché. La démarche éthique et écologique n’est jamais un frein à la création et à la compétitivité. Elle permet justement d’avancer moins vite et d’éviter les obstacles en prenant le temps et de ce fait, en étant sûr de ce que l’on développe.

>Cet article vous a plu ? Alors n’hésitez pas à lire également notre dossier « Consommateurs désabusés cherchent marques engagées » partie 1 et partie 2.