[CARNET DE TENDANCES] Spécial Home Office
La crise du Covid a bouleversé notre vie professionnelle. Durant...
Dans le cadre de notre dernier magazine dédié aux récompenses et cadeaux d’affaires pour professionnels Transat #9, nous nous sommes intéressés aux marques engagées. Un phénomène nouveau ou plutôt une véritable prise de conscience plébiscitée par les consommateurs et accélérée avec la crise du Covid-19. Lumière et suite de ce riche dossier avec la 2ème et dernière partie…
Devant la pression de la société et pour répondre aux nouvelles attentes des consomm’acteurs, de nombreuses entreprises ont saisi l’opportunité de défendre des « causes populaires » et parfois à leur dépend ! C’est le cas notamment de Yorkshire Tea et PG Tips, plus gros vendeurs de thé au Royaume- Uni, qui ont manifesté leur soutien au mouvement Black Lives Matter sur les réseaux sociaux. Malgré des tweets engagés, beaucoup sont restés sceptiques, dénonçant une approche à visée commerciale. En effet, les internautes ont jugé les deux marques « illégitimes » pour plusieurs raisons : toutes deux ont obtenu un mauvais score sur le plan éthique, les conditions de travail des femmes dans les plantations demeurent déplorables et il n’y a pas de membres issus de la minorité dans les conseils d’administration.
Autre exemple : chez Starbucks, des consommateurs ont filmé et viralisé l’appel à la police et l’arrestation de clients afro-américains souhaitant utiliser les toilettes avant de consommer. Résultat ? La marque a fermé 8 000 points de vente et annoncé consacrer une journée à la formation de ses employés aux enjeux de diversité. Mais si cette réaction, tout comme celles des enseignes de thé, impressionnent en termes d’image, elles déçoivent sur le long terme car elles s’arrêtent au positionnement marketing !
En réalité, les marques sont en réaction au lieu d’être proactives et c’est justement le fond des reproches sur la toile. Il y a un écart entre les attentes des citoyens et les réponses des marques « qui semblent se préoccuper plus de l’impact sur leur image que du mouvement social dans sa complexité » affirme Nacima Ourahmoune dans le média The Conversation.
Les critiques ont aussi été dirigées vers les influenceurs dont un grand nombre d’entre eux ont réagi trop tardivement. Ces derniers ont en effet multiplié les déclarations « formatées » sur Instagram mais sans conviction sincère ou engagement réel. L’influenceuse Fatou N’Diaye va même plus loin en demandant de bannir le terme « influenceur » : « Pour moi, être influenceur c’est être prescripteur de tendances, lanceur d’alertes, c’est prendre la parole en prenant le risque de déplaire, s’imposer comme leader d’opinion » affirme-t-elle.
Or ce manque de sincérité peut avoir de lourdes conséquences : 39% des personnes interrogées par le baromètre TrustBrand d’Edelman disent qu’ils ne feront plus jamais confiance à une marque, qu’ils ne l’achèteront plus et qu’ils déconseilleront aux autres de l’acheter si cette confiance a été rompue à un moment donné.
En résumé, toutes ces initiatives, aussi sincères soient-elles, ne doivent pas s’arrêter là. C’est le point de départ d’une démarche beaucoup plus globale et plus engagée.
Lier les beaux discours aux actes, voici la promesse d’une démarche authentique qui s’oppose à du « woke washing » (ndlr : conscientiation marketing). Cette expression apparue récemment désigne le fait, pour une marque, de s’approprier des discours idéologiques à des fins de positionnement marketing, sans s’engager à changer les choses en profondeur. De belle envies au final mais qui se heurtent à un manque d’actions concrètes au quotidien. Et Nike en a subi les frais, en se faisant interpeller sur Twitter ! En effet si la marque déploie de belles campagnes à coup de storytelling émouvant, leur comité exécutif est loin d’être représentatif de cette minorité prônée. « La problématique centrale de l’engagement des marques réside dans la nécessité de faire s’aligner storytelling et story-doing » souligne la publicitaire britannique engagée, Cindy Gallop. Et les consommateurs ne sont pas dupes : les discours ou l’image exposée doivent être alignés avec la réalité des choses.
Patagonia est un bon exemple : au-delà de ses engagements pour l’environnement, l’entreprise a récemment boycotté le plateforme Facebook pour ses diffusions extrémistes et son modèle économique qui n’hésite pas à tirer profit de la haine. Un engagement risqué mais qui lui vaut une image forte et une communauté ultra-engagée. « Notre objectif pour l’avenir reste le même : travailler avec les communautés pour résoudre les problèmes qui comptent le plus pour nous en tant qu’entreprise, conformément à notre mission et à nos valeurs » explique Alex Weller, Directeur Marketing, EMOA de Patagonia.
Même constat chez Galeries Lafayette qui a lancé le concept « Go for Good », une démarche qui tend à une mode plus responsable, en proposant des produits ayant un impact plus faible sur l’environnement et positif envers la production locale. D’ici cinq ans, les marques ne correspondant pas à ces nouvelles exigences ne seront plus référencées dans ses magasins.
Du côté de chez Google ou Adidas, les promesses se traduisent aussi par des actes : les deux géants ont affiché leurs objectifs de recrutement pour améliorer la représentation des minorités en interne.
S’il n’est pas toujours aisé de s’aventurer sur le terrain de jeu des marques engagées et sincères, il existe toutefois quelques bonnes pratiques à respecter.
Tout d’abord la dimension humaine et la nécessité d’impliquer toutes les parties prenantes (collaborateurs, clients, partenaires) afin de déterminer ensemble ses principes, ses valeurs, ses convictions et in fine refléter une identité et un positionnement clairs, simples et cohérents, quitte à se couper d’une partie de sa cible pour mieux engager l’autre.
Deuxième pilier, l’authenticité et la transparence. Elles sont primordiales pour engager sa communauté sur le long terme et construire une relation durable et de confiance. Il ne suffit plus de surfer sur une actualité, en préemptant un ton plus militant mais bien de s’engager en écoutant les critiques, en modifiant ses pratiques, en intégrant une démarche RSE au cœur de sa stratégie d’entreprise et en essayant de faire changer les choses au niveau global. La marque doit offrir une émotion plus riche mais aussi plus réelle, plus vraie et donc imparfaite. C’est ce qui la rendra unique.
Enfin et il découle des deux premiers : la proactivité. Les entreprises doivent être réellement engagées et agir non pas selon des tendances ou des mouvements populaires mais selon une ligne de conduite faisant partie intégrante de son ADN et portée par la Direction ! Cela passe par le soutien régulier à des associations, le développement de nouveaux produits ou services, la modification de ses process de fabrication ou de commercialisation, le changement de posture dans ses communications pour rompre avec les stéréotypes et l’évolution de son organisation interne.
« Les marques d’avenir seront celles qui porteront un vrai projet de société et sauront se concentrer sur quelques combats légitimes en y consacrant des moyens importants. Ce seront aussi celles qui se construisent sur le modèle californien, à la fois incarnées par une vision et un sens du leadership tout en permettant aux consommateurs d’agir, de contribuer et de coconstruire ».
Julien Carette, président de l’agence Havas
Finalement, le véritable enjeu de ce siècle réside dans la transformation de la marque dans un environnement digitalisé et de plus en plus complexe. Mais en s’engageant au-delà du simple cadre commercial, la marque peut espérer donner une nouvelle dimension à sa relation clients… à condition de faire preuve d’authenticité, d’accepter l’imperfection, de lier les discours aux actes et surtout de changer de mentalité. L’enjeu n’est plus de chercher à plaire au plus grand nombre mais d’engager une partie de sa communauté et de privilégier le placement d’idées au placement de produits. A bon entendeur !
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